Soieries

Publié le par Bénédicte Poinsard

 

Je suis là, solitaire, entre ces quatre murs

Et je fais pour vous plaire des choses difficiles

Jamais je ne voudrais apparaître servile

Et je le suis pourtant, très loin de vos murmures.

 

Je suis là, enfermée, sur des tapis de soie,

De laine et de coton, que des doigts ont noués,

Art ancien de grands maîtres aux enfants enseigné,

Et ces nœuds dans ma gorge ont étouffé ma voix.

 

Je suis là, enfermée, tant de beautés m’effarent

Pour savoir les trouver, il faut toute une vie

Pour les photographier, il faut toute une nuit

Et pour s’en souvenir, une bonne mémoire.

 

Je n’ai pas de mémoire et je n’ai plus de temps

Je cours après la vie qui parfois m’a aimée

Que j’ai parfois maudite, qui pourtant m’a sauvée

Je cours après la vie comme un petit enfant.

 

Sans cesse sur le métier je remets mon ouvrage

Sans cesse sur sa chaîne la trame de ma vie

Mais entre soie et soi c’est un autre pari  

Il suffirait d’un fil pour qu’il ne soit pas sage.

 

Dehors, il fait si beau que c’en est une offense

Demain je m’enfuirai par une porte inconnue

Sur un tapis magique survolerai les rues

Referai à l’envers les chemins de l’enfance.

 

Un piano m’attendra au coin d’un grand salon

Il connaîtra mon âme, il connaîtra mon nom,

Mes doigts seront agiles et mon esprit léger,

Parfois il faut partir pour mieux pouvoir rester.

 

                                  

 

© Bénédicte Poinsard – Dépôt SCAM 2006

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