Soieries
Je suis là, solitaire, entre ces quatre murs
Et je fais pour vous plaire des choses difficiles
Jamais je ne voudrais apparaître servile
Et je le suis pourtant, très loin de vos murmures.
Je suis là, enfermée, sur des tapis de soie,
De laine et de coton, que des doigts ont noués,
Art ancien de grands maîtres aux enfants enseigné,
Et ces nœuds dans ma gorge ont étouffé ma voix.
Je suis là, enfermée, tant de beautés m’effarent
Pour savoir les trouver, il faut toute une vie
Pour les photographier, il faut toute une nuit
Et pour s’en souvenir, une bonne mémoire.
Je n’ai pas de mémoire et je n’ai plus de temps
Je cours après la vie qui parfois m’a aimée
Que j’ai parfois maudite, qui pourtant m’a sauvée
Je cours après la vie comme un petit enfant.
Sans cesse sur le métier je remets mon ouvrage
Sans cesse sur sa chaîne la trame de ma vie
Mais entre soie et soi c’est un autre pari
Il suffirait d’un fil pour qu’il ne soit pas sage.
Dehors, il fait si beau que c’en est une offense
Demain je m’enfuirai par une porte inconnue
Sur un tapis magique survolerai les rues
Referai à l’envers les chemins de l’enfance.
Un piano m’attendra au coin d’un grand salon
Il connaîtra mon âme, il connaîtra mon nom,
Mes doigts seront agiles et mon esprit léger,
Parfois il faut partir pour mieux pouvoir rester.
© Bénédicte Poinsard – Dépôt SCAM 2006