Traçabilité

Comme vous ne tracez pas une information, vous la perdez. C’est comme tracer un produit alimentaire. Si vous ne le tracez pas, vous ne savez pas si votre produit est de qualité. Vous avez perdu une ou des informations majeures. Je « perds » quelque chose parce que je ne l’ai pas mis en mémoire dans mon cerveau. Un proverbe kabyle dit : »Quand une chose se perd, c’est qu’elle a changé de parents : « dhvedel » elle a changé « imawlen » de parents. Cette information est partie ailleurs, définitivement. Elle est sortie de mon cerveau.

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 C’est pourquoi, lorsqu’on est en état de confusion, on trace mieux quelque-chose en le voyant. La vue, la photo de l’objet, permet de retrouver immédiatement la mémoire de ce que l’on a à faire avec cet objet. C’est son signifiant qui nous reconnecte avec les tâches à accomplir. Si les objets sont trop bien classés, on ne les retrouve pas car on n’est pas en état de les tracer, de mémoriser les endroits où ils se trouvent.

D’ailleurs, parfois, dans le travail, on plaisante en disant : « Je n’arrive pas à trouver ce dossier, il est trop bien classé ! ». C’est pourquoi je pense que mon père vers la fin ne classait quasiment rien. Quasiment rien, sauf les dossiers de ses patients. Il accordait une grande importance à leur classement. Dans ces cas là, l’esprit ne sélectionne que des choses majeures qui ont à voir avec une mémoire très ancienne. Comment sinon aurais-je trouvé les lettres de mon grand-père ? 

(extrait de mon futur livre "Et Sarah rit... Chroniques du 21ème siècle")

© Bénédicte Poinsard – Dépôt SCAM 2011